Le Nouvel Automobiliste
WRC Sardaigne 2018

Rallye WRC de Sardaigne 2018 : Immersion au cœur de la course

La lutte en tête du championnat du monde des rallyes est plus serrée que jamais entre le tenant du titre Sébastien Ogier et son plus proche rival Thierry Neuville, l’actuel leader. L’écart entre les deux protagonistes après 7 rallyes n’est en effet que de 27 points, ce qui laisse présager d’une fin de saison pleine de suspens ! La dernière manche en date, qui se déroulait en Sardaigne du côté d’Alghero, vient de se terminer et nous avons pu y assister aux côtés de Toyota. Place au récit et aux images !

Un peu de contexte avant toute chose : le WRC comporte 3 types de terrains sur lesquels se déroulent les rallyes : asphalte, neige et terre. C’est sur cette dernière surface que l’épreuve de Sardaigne a lieu.

Au programme de la manche Sarde du WRC, de la terre, beaucoup de terre donc, avec 20 spéciales représentant un total de 317 kilomètres de secteurs chronométrés, réparties autour de la ville d’Alghero au nord-ouest de d’île italienne. Le rallye débute le jeudi matin et se termine le dimanche soir par la Power Stage, spéciale distribuant des points « bonus » aux cinq premiers, s’ajoutant à leur crédit déjà remporté au classement général de l’épreuve.

Arrivés sur place le vendredi en milieu de journée, nous avons commencé notre découverte de l’épreuve par une visite du Service Park, là où sont regroupées les structures des différentes équipes. Situé sur le port d’Alghero, le Service Park est une zone d’importance pour les concurrents puisque c’est ici que les garages et installations des différentes équipes sont installés. L’occasion de visiter l’envers du décor du stand d’assistance de Toyota, qui engage 3 Yaris WRC.

Au cœur du team Toyota Gazoo Racing

La structure permet d’intervenir sur les 3 voitures en simultané, à raison de 12 mécaniciens maximum par auto, le tout 3 fois par jour (matin, midi et soir) dans un temps imparti et méticuleusement surveillé par les commissaires (30 minutes matin et midi, 45 minutes le soir). L’organisation y est quasi militaire, chaque mécano connaissant parfaitement son rôle et ses tâches à effectuer le plus vite possible afin de ne pas risquer une pénalité en cas de dépassement du temps maximum alloué. A l’arrivée des voitures, leur « ballet » et leur rapidité d’exécution sont assez impressionnants à observer : à peine la voiture posée sur les crics que les boucliers avant et arrière se retrouvent déjà démontés, puis quelques minutes après les disques et étriers de freins ainsi que les amortisseurs ou encore les transmissions sont eux-aussi déposés à la vitesse de l’éclair !

A l’arrière du stand, plusieurs camions transportent sur chaque épreuve tout le nécessaire pour réparer et entretenir les voitures. Nous avons ainsi pu découvrir le stock de pièces détachées assez conséquent mais pour d’évidentes raisons de confidentialité il n’était pas possible de les photographier. Amortisseurs, pièces de carrosserie, transmissions, différentiels ou disques de freins, tout est prêt à l’emploi pour parer à n’importe quelle éventualité et faire face aux différents problèmes que les pilotes peuvent rencontrer (ou causer, en cas de rencontre fortuite avec un arbre ou une grosse pierre…).

Certaines de ces pièces, à l’image des différentiels ou des boîtes de vitesses, sont contrôlées en nombre par la FIA et sont plombées et stickées avec des codes-barres « indécollables » afin d’éviter toute fraude au règlement en empêchant tout démontage et ouverture pour réparation.

Nous avons pu aussi découvrir des facettes assez surprenantes du côté des dessous mécaniques des Yaris WRC : les triangles de suspensions sont par exemple usinés dans la masse, un cas unique dans le championnat parmi toutes les équipes, ce qui permet un gain en rigidité et solidité non négligeable, en plus de garantir à coup sûr une conformité dimensionnelle quasi parfaite pour chaque pièce. En contrepartie, chaque triangle coûte la bagatelle de 15 000 €. Ça ne laisse pas indifférent !

Certains assemblages sont aussi prêts d’avance, comme le combo freinage/transmission, ce qui permet des changements ultra-rapides de demi trains avant ou arrière en cas de nécessité. Jugez plutôt : il faut moins de 30 minutes pour changer les 4 sur l’auto !

Du côté des pièces de carrosserie, plusieurs pare-chocs avant et arrière sont également prêts à l’usage. Tout en carbone, et donc extrêmement légers, ils ont non seulement une fonction esthétique mais aussi et surtout aérodynamique avec à l’avant des ailettes et un splitter (démontable et ainsi remplaçable facilement sans changer le bouclier complet fait d’une seule pièce) et à l’arrière un énorme diffuseur permettant de plaquer la voiture au sol en coordination avec l’aileron arrière. Les extracteurs d’air à l’arrière des roues permettent d’évacuer l’air chaud ainsi que de limiter les turbulences aérodynamiques générées par les pneus en rotation. Dans le cadre des rallyes sur boue ou neige, ces extracteurs sont fermés pour éviter l’accumulation de matière à l’intérieur. Sans cette obturation, plusieurs dizaines de kilos de boue ou de neige pourraient venir s’y glisser et affecter les performances de l’auto de façon non négligeable.

Autre information intéressante glanée lors de cette visite : la plupart des pièces sont conçues pour être montées/démontées avec le moins d’outils possibles pour permettre des interventions plus rapides non seulement lors de l’assistance, mais également par les pilotes en cas de besoin sur ou entre les spéciales. La caisse à outils embarquée ne comporte ainsi qu’un nombre limité d’éléments, tout étant fait pour mettre le maximum de tailles de vis ou d’écrous en commun. Il n’est également pas rare que les pilotes embarquent quelques petites pièces de rechange à bord, comme des biellettes de direction par exemple, afin de pouvoir effectuer une réparation en cours de route suite à un éventuel choc et ainsi éviter l’abandon. Reste également le système D, à base de rilsans et de scotch, toujours très apprécié en cas de coup dur sur le bas-côté des spéciales !

Certains cas extrêmes resteront malgré tout irréparables : c’est notamment le cas lorsque l’arceau de la voiture est endommagé, il est interdit de le changer, et toute « atteinte à son intégrité » entraînera l’abandon immédiat du rallye. Pour la saison, chaque duo pilote/copilote ne dispose que de 3 châssis, il faudra donc éviter de se crasher trop souvent ! (on passe le bonjour à Kris Meeke).

L’équipe Toyota Gazoo Racing est composée d’une soixantaine de personnes et de 6 semi-remorques, avec en sus une délégation spéciale pour les rallyes « overseas » qui déplace moins de matériel que pour les manches européennes. Certains des camions enchaînent directement les rallyes les uns après les autres, tandis que ceux transportant les voitures rentrent à chaque fois au QG de l’équipe en Finlande, permettant à l’équipe de procéder à pas mal de vérifications mécaniques entre les épreuves.

On met la gomme !

Toujours au Service Park, nous avons pu nous rendre chez Michelin qui équipe la quasi-totalité des concurrents en pneumatiques pour découvrir de plus près les gommes spéciales utilisées pour les rallyes sur terre.

L’occasion nous a été ainsi donnée de pouvoir les toucher et ainsi constater l’extrême rigidité de leurs flancs, permettant d’absorber les chocs contre les pierres ou branches sans sourciller et ainsi éviter la crevaison. On nous a d’ailleurs fait remarquer que le terme crevaison est souvent utilisé un peu « abusivement », dans le sens où le souci arrive effectivement mais lorsque la voiture a une jante explosée en 2 ou qu’elle a couché un arbre au passage, accuser le pneu seul semble un peu disproportionné… Le poids des gommes est également relativement élevé, comparé à un pneumatique de série, plutôt normal au vu des nombreux renforts et de son épaisseur.

Toutes les équipes utilisent la même taille 215/60 R 15, et pour éviter toute accusation de « favoritisme » un système de tirage au sort a été instauré pour la répartition des pneus entre tous les pilotes. Chaque pneu est également muni d’un code-barres qui permet de savoir qui l’utilise. Michelin apporte sur le rallye 2800 pneus, répartis entre 2 choix de gommes, hard ou soft, que les équipes peuvent utiliser indifféremment sur leurs voitures : il est ainsi possible de mixer des soft à l’avant et des hard à l’arrière, ou inversement, voire de ne monter qu’un seul soft et 3 hard, ou encore de les croiser gauche/droite/avant/arrière, tout est faisable !

Le montage sur les jantes se fait sur place au camion Michelin par une équipe de professionnels dédiée, ce dernier n’est pas de tout repos et demande un réel savoir-faire car la rigidité extrême des gommes rend l’opération très compliquée.

La télémétrie n’est pas fournie par le manufacturier, ce sont les équipes qui installent elles-mêmes les capteurs de pression à l’intérieur des jantes.

Lors des rallyes sur asphalte, Michelin récupère tous les pneus après utilisation, car les composés de gomme utilisés sont ultra-confidentiels. Les technologies utilisées pour leur fabrication permettent de mettre au point les futurs pneus de série pour les voitures de monsieur et madame tout le monde, avec un delta d’environ 10 ans tout de même !

Le rallye WRC de Sardaigne en images

Place maintenant au cœur du spectacle : les spéciales ! Notre programme était plutôt chargé puisque nous en avons suivi 6 en tout : une le vendredi, la n°7 Castelsardo 2 ; trois le samedi, les n°14 Coiluna-Loelle 2, n°15 Monti di Ala 2 et n°16 Monte Lerno 2 et enfin deux le dimanche, les n°18 Sassari-Argentiera 1 et n°19 Cala Flumini 2. Pour réussir ce « tour de force », un seul moyen : l’hélicoptère de liaison. Il y a pire comme weekend, je vous l’accorde !

Pour la n°7, nous étions placés au niveau d’une longue épingle droite en bas d’une descente, avec pour particularité une sortie en asphalte, l’un des rares morceaux de bitume de l’épreuve (hormis sur les liaisons, bien entendu !). Vendredi oblige, pas énormément de spectateurs à cet endroit, néanmoins certains ont fait le déplacement de loin notamment le fan club d’Ott Tanak venu d’Estonie et qui le suit sur tous ses rallyes !

On découvre les voitures ouvreuses, qui ne sont pas ici des Mégane RS ou 308 GTi mais bien des pick-ups Nissan Navara ou Mercedes Classe X, un choix plutôt original mais pas très spectaculaire.

Le spectacle arrivera toutefois bien assez vite : les WRC déboulent ! Pour être sûr de ne pas les louper, (et vu leur bruit, c’est difficile), on peut toujours se fier à l’hélico caméra visible quelques secondes avant les premiers hurlements des 1600 turbo.

Les pilotes arrivent à une vitesse folle, enchaînent les passages dans l’épingle et se catapultent au loin dans la vallée : le spectacle du WRC est toujours aussi intéressant à regarder !

Spéciale suivante, n°14, avec cette fois-ci une partie qui se déroule sur un petit circuit d’autocross au beau milieu de nulle part. L’engouement populaire est bien présent, les barbecues fusent en attendant les bolides, il faut dire qu’il vaut mieux manger avant que pendant, sous peine de voir ses merguez recouvertes d’une fine couche d’aromate au goût terreux pas très gastronomique.

Fort heureusement pour nous, l’endroit choisi permet d’éviter de se retrouver asphyxié par la poussière soulevée au passage des WRC, merci au vent qui a choisi un sens clément ! D’autres n’ont pas la même chance… Poussière, oui, mais aussi pierres de belle taille, on comprend mieux le pourquoi du comment de la rigidité exceptionnelle des flancs de pneus évoquée plus tôt.

La spéciale n°15 nous aura ensuite emmenés au beau milieu d’un gigantesque champ d’éoliennes en montagne, juste avant son arrivée. Cette fois-ci, le vent a été beaucoup moins coopératif et à chaque passage toute la poussière soulevée venait nous recouvrir tendrement : c’est ça aussi le rallye sur terre, une expérience à vivre ! Le plaisir d’observer les passages en dérive vaut bien le coup de se faire ensevelir toutes les 2 minutes.

Spéciale suivante, la n°16, autre endroit, autre ambiance : nous sommes ici au milieu des champs et les pilotes doivent composer avec des pistes très étroites bordées de barbelés et de barrières en pierre. La sortie de piste est donc à proscrire à tout prix !

Fin de journée, il est temps de rentrer et de profiter des joies des parcours de liaison ou l’on croise au milieu des voitures « civiles » nos WRC qui évoluent à train de sénateur sur les autoroutes. Certains automobilistes en profitent pour mesurer leurs nobles diesels face aux 380 ch des voitures de rallye qui se doivent de respecter le code de la route comme tout un chacun. Et attention, la police locale veille au grain !

Le lendemain, dernière journée de course et deux autres spéciales au programme pour nous, tout d’abord la n°18 en bord de mer, qui nous permet de voir les voitures arriver de loin, en haut d’une crête, puis redescendre en direction de l’eau dans un passage tortueux avant une longue ligne droite ponctuée d’un petit saut…

…et enfin la spéciale n°19 ou nous étions placés à un endroit où les voitures arrivaient extrêmement rapidement dans un long droit, et où nous avons pu voir l’attaque extrême des pilotes dont Thierry Neuville qui y est passé à deux doigts de la correctionnelle !

Résultats du Rallye de Sardaigne

Le rallye de Sardaigne s’est terminé quelques heures plus tard sur une victoire du belge et sa Hyundai, 0,7 secondes seulement devant Sébastien Ogier ! Les deux pilotes se sont affrontés à coups de dixièmes tout au long du rallye, maintenant le suspense jusqu’au bout ! Neuville remporte également la Power Stage, et gagne ainsi 30 points au championnat (25 + 5).

Du côté de Toyota, Esapekka Lappi finit à une belle 3ème place, tandis que Jari-Matti Latvala termine 7ème (handicapé par un soucis d’alternateur sur la liaison samedi soir) et Ott Tanak seulement 9ème -il avait remporté le rallye l’année dernière avec la Ford Fiesta, cette année une mauvaise réception après un gros saut lui aura ôté tout espoir de bon résultat.

Classements généraux après la manche Sarde

Au classement général, Thierry Neuville accentue son avance en tête avec 149 points contre 122 pour Sébastien Ogier. Ott Tanak et sa Yaris restent en 3ème position (77 points) tandis qu’Esapekka Lappi grimpe d’un rang à la 4ème place (70 points).

Côté constructeurs, Hyundai accentue de 37 unités son avance, avec 212 points devant M-Sport Ford (184 points, dont 22 en Italie) et Toyota Gazoo Racing (159 points dont 21 glanés en Sardaigne). Citroën ferme la marche avec 129 points (18 unités supplémentaires sur l’île).

Il reste encore 6 manches avant de connaître le dénouement de la saison, prochain rendez-vous avec le WRC en Finlande ou Toyota jouera à domicile (à défaut de rallye du Japon, pour l’instant !).

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Crédits photos : Romain Bresadola pour Le Nouvel Automobiliste

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