Le Nouvel Automobiliste
Essai

Tout savoir sur le Renault Captur II 1/3 : entretien avec Pierre Sabas, designer extérieur

La découverte du nouveau Renault Captur en photos s’est également accompagnée d’échanges avec ses designers et responsables techniques. Notre série d’entretiens débute avec Pierre Sabas, responsable du design extérieur du Renault Captur II. Chez Renault depuis 7 ans, il a auparavant passé 3 années chez Jaguar, en Angleterre, à la suite de ses études au Royal College of Art de Londres. Nous avons fait le tour du petit SUV au Losange en sa compagnie.

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Le Nouvel Automobiliste : Comment dessine-t-on une voiture dont la première génération a été un succès ?

Pierre Sabas : Effectivement le Captur I a été un succès. Du coup on n’a pas cherché à tout changer et c’est pourquoi on retrouve les gènes qui ont fait le succès de la première génération, c’est-à-dire un SUV dynamique et expressif. Pour cette deuxième génération on a cherché à renforcer ces deux aspects. D’abord être plus expressif, notamment avec des faces avant et arrière très sculptées, très marquées, avec une nouvelle technologie dans les phares et les feux pour donner plus de largeur et plus d’expressivité. Ensuite, être plus dynamique avec des épaules très marquées, des roues un peu plus grandes, une voiture qui gagne en dimension, qui est surtout un peu plus large et un peu plus longue et donc une silhouette plus élancée et plus assise sur ses roues.

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Pour cette deuxième génération on a cherché à renforcer […] deux aspects [..] être plus expressif […] et être plus dynamique.

LNA : Ce nouveau Captur a aussi une vocation un peu plus internationale que le précédent, cela change-t-il quelque chose dans la façon d’aborder son dessin ?

PS : On a cherché surtout à rester fidèles à l’esprit Captur et, comme je l’expliquais, à améliorer les aspects importants. Ensuite la disponibilité sur les autres marchés ce n’est pas forcément du ressort du design en tant que tel, on s’adapte. On propose un véhicule, après il y a quelques spécifications en fonction des marchés mais ça vient s’ajouter au produit.

LNA : Donc vous n’êtes pas du tout influencés par le fait que demain elle sera vendue en France mais aussi en Chine…

PS : Il y a une version chinoise qui s’adapte au marché, avec une réglementation un petit peu différente, il y a des variations mais ce sont vraiment des détails. Techniquement ce sont les normes de chocs piétons qui sont légèrement différentes. On a donc dû retravailler les boucliers avant et arrière mais la voiture dans les grandes lignes rester la même. C’est un Captur !

LNA : Il y a une version longue de prévue pour la Chine ?

PS : Non ce n’est pas prévu. La voiture est un peu plus longue pour les raisons citées précédemment mais ça ne joue pas sur son design général.

LNA : Ce nouveau Captur perd tout même un élément qui caractérisait le précédent, c’est son côté jovial. Est-ce un problème ?

PS : Il faut bien voir que quand on est arrivé avec le Captur I on était un peu précurseurs sur le segment. Aujourd’hui il y a beaucoup plus de concurrents, alors il faut absolument se faire remarquer. L’attente des clients aujourd’hui c’est clairement d’avoir une voiture qui sort un peu du lot. Donc, on reste jovial dans l’aspect coloris, et on propose sur ce point une large palette de couleurs et de combinaisons, mais dans son graphisme et son identité la voiture a muri et on est un peu plus punchy.

Aujourd’hui il y a beaucoup plus de concurrents, alors il faut absolument se faire remarquer

LNA : La base est la même que la Clio V, est-ce aussi le cas d’autres éléments de la structure comme c’était le cas sur la Captur I ?

PS : Il y a bien sûr quelques similitudes techniques ou dans le choix des matériaux. Par exemple, les ailes sont en acier comme sur Clio V pour une meilleure tenue dans le temps mais le coffre lui est en plastique, pour un gain de poids et une meilleure liberté stylistique qui permet notamment les feux très fins. Le capot lui est en aluminium, également pour un gain de poids.

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LNA : Et ces différences de matières influencent votre dessin ?

PS : Dans le dessin non parce qu’on cherche toujours à trouver une solution pour lui être fidèle. Après, les matériaux apportent des contraintes différentes. Par exemple sur l’aluminium il est plus difficile d’avoir des lignes très acérées. Donc, tout le travail est de rester fidèle au dessin mais néanmoins de l’adapter légèrement pour garder cette précision. A l’inverse, dans les éléments en plastique il y a plus de liberté dans les formes, quoiqu’il y ait toujours des problèmes de moulage potentiel. Chaque matériau est spécifique mais on s’en sort toujours à la fin.

LNA : Quand on regarde la face avant et le capot du nouveau Captur on remarque le double pli sur ce dernier. Quel est son rôle ?

PS : On a voulu renforcer le côté SUV, c’est-à-dire une voiture qui a pris du muscle, de la tension. Ça créé aussi un mouvement avec les lignes qui se prolongent dans le thème de calandre pour donner plus de robustesse et plus de dynamisme.

LNA : La calandre de son côté est très travaillée, sans doute la plus travaillée de la gamme.

PS : On s’est vraiment inspiré notamment de ce qu’on peut avoir sur Talisman avec un jonc chrome qui va de part en part pour donner plus de largeur. Le C-Shape qui s’inscrit dans la continuité de Clio avec également un travail sur le chrome en haut mais plus typé SUV donc plus robuste et un peu plus mécanique pour celui qui se prolonge dans les projecteurs pour vraiment élargir au maximum. On a aussi intégré des petits yeux pour donner un regard supplémentaire au C-Shape. Donc, une calandre voulue très 3D qu’on peut avoir en noir ou en version chromée sur Initiale Paris. On essaye d’intégrer tout ça progressivement sur la gamme, à l’avant comme à l’arrière avec aussi des éléments décoratifs comme les petites stries pour donner un peu de vie à tout ça.

LNA : De côté on remarque que les élargisseurs d’ailes sont toujours là, dans une taille identique à celle de Captur I ?

PS : On les a un peu réduits sur le côté pour augmenter la surface de tôle et donc donner un peu plus de robustesse à la voiture. On a également travaillé la finition en essayant de faire disparaitre le plus possible la jointure entre les deux pièces pour un aspect plus monolithique de l’ensemble.

… il y a un bond en qualité intéressant, on a beaucoup travaillé dans les détails, c’était vraiment un travail de fond.

LNA : La petite pièce de décor sur les ailes on ne la retrouve que sur RS Line sur Clio mais sur toutes les versions du Captur II ?

PS : Oui, sur toutes les versions. Mais il y a une montée en gamme qui se fait. Sur les entrées de gamme c’est tout noir et sur les niveaux supérieurs ça devient chromé. Cette petite pièce n’est pas gratuite, elle attire l’œil sur l’aile et surtout elle s’inscrit dans le mouvement général de sculpture du flanc. C’est comme un élément qui viendrait tirer l’avant de la voiture avec un effet de vitesse et de sculpture procuré à l’ensemble. Et également, c’est un petit détail, on a essayé de l’aligner avec le chrome qui vient du projecteur pour que ça ceinture l’ensemble, toujours dans le souci d’une exécution un peu plus précise de la globalité de la voiture.

LNA : Contrairement à la Clio V, le jonction de la base du montant A n’est pas alignée entre le capot et le bas de vitrage latéral. Est-ce un choix technique ou esthétique ?

PS : Alors là il y a deux choses. Une chose voulue et une autre qui résulte de compromis techniques. On essaye d’avoir la découpe la plus horizontale possible pour obtenir cette idée d’une voiture scindée horizontalement. Après, concernant les lignes de découpe, c’est lié à la technologie des charnières pour l’ouverture de capot et, comme on est ici sur du segment B, les choix économiques sont différents de ce qu’on trouve sur des segments supérieurs. Donc la ligne est plus ou moins posée, on a cherché à la reculer le plus possible, si vous regarder l’actuel Captur vous verrez qu’elle est plus avancée, donc ça ce sont des progrès qui sont réalisés et on est plutôt satisfait de l’ensemble parce que, comme pour le chrome, on a essayé de travailler les alignements pour que l’œil soit le moins perturbé possible.

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LNA : Vous n’avez pas été tentés de mettre une poignées « invisible » comme sur Clio ?

PS : Non ce n’était pas du tout prévu dans le projet. On a travaillé une signature chromée qui apparait à un certain niveau de gamme là aussi, en base c’est noir. Ce jonc a deux fonctions. Une première esthétique, ça créé une longueur à la voiture et une signature visuelle. La deuxième c’est que dans le souci de qualité perçue ça offre une belle séparation entre les deux tons de carrosserie. Auparavant il y avait une jointure de peinture alors que là, la pièce en chrome permet de masquer cette jointure pour une finition beaucoup plus propre.

LNA : La troisième vitre est beaucoup plus fuyante, moins droite, c’était aussi une volonté de dynamiser l’ensemble ou c’est uniquement lié à la jonction ?

PS : La voiture s’est allongée, elle est devenue un peu plus fluide et dynamique donc naturellement l’ensemble des lignes se sont un peu assouplies. Mais on voit surtout la forme du pavillon qui est un peu en 3 temps. Avoir réalisé la vitre de manière plus verticale aurait perturbé un endroit où il y a déjà 3 éléments en pointe qui travaillent ensemble.

LNA : On arrive sur l’arrière qui est sans doute la partie la plus impressionnante du véhicule.

PS : Oui, c’est plus souvent l’avant qui est très travaillé sur les véhicules mais là on est assez fiers de cet arrière.

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LNA : Il y a notamment ces feux qui font beaucoup.

PS : Là aussi on est très satisfaits parce qu’il y avait des contraintes. Dans le cahier des charges autant à l’avant on est complètement full LED autant à l’arrière on avait le clignotant imposé en ampoule. Bien sûr on fait tout pour avoir le plus de LED possible mais il faut savoir tenir compte des réalités, c’est un véhicule de segment B. L’astuce a donc été de cacher cette ampoule sous le petit panneau couleur carrosserie ce qui fait que la lumière sort sur le côté donc ça donne un effet de lumière fine comme une LED. Le feu qui reste très fin, très moderne mais néanmoins avec une technologie assez simple.

LNA : Et moins chère ?

PS : Oui, tout à fait. Et l’équation finale est très intéressante puisque l’effet « waouh » est préservé.

LNA : Sur la génération précédente le feu sur le hayon n’était pas actif, là il l’est. Vous vous êtes battus pour l’avoir ?

PS : Oui c’est une demande design, on en demande toujours plus forcément après il faut que ce soit possible avec l’ensemble du processus d’industrialisation et le budget. Mais dans le dessin de la voiture on a très tôt intégré un feu actif sur le hayon pour prolonger la signature lumineuse. C’est le feu de position. On a placé les feux de recul et antibrouillard en bas, ils sont tout en LED et blancs et il y a bien deux reculs et deux antibrouillards, ce qui est plutôt rare.

LNA : Le positionnement du système d’ouverture du coffre est plus évident que sur la Clio V avec ce rebord au-dessus de la pièce en plastique noir. Qu’elle remonte comme ça c’est une volonté de votre part ?

PS : Dans le cheminement on a suivi un processus identique à celui de la Clio V. On a souhaité avoir une porte de coffre lisse, la plus lisse possible, de façon à mettre en valeur le logo et le nom de la voiture et on a descendu la plaque dans la pare-choc. Du coup, avec le découpage et la partie noire en bas, il nous a semblé opportun de lier à la fois la hauteur de coffre, la porte lisse et la zone de plaque par ce biais pour que tout coïncide.

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LNA : Sur la Clio V avec le hayon il y a aussi une notion d’assurance.

PS : Oui on a eu les mêmes contraintes sur Captur.

LNA : Là où un client pourrait être surpris c’est qu’on a une voiture très personnalisable, une version Initiale Paris, mais pas de version RS Line, un peu plus sportive. Même sur un Kadjar on trouve une version Black Edition plus évocatrice. Il n’y a pas eu de volonté de faire une version plus sportive ?

PS : Il y aura des évolutions prévues dans la vie de la voiture. Aujourd’hui on présente ce qu’on appelle la gamme centrale mais il y aura peut-être d’autres propositions plus tard…

Il y aura des évolutions prévues dans la vie de la voiture.

LNA : De quoi êtes-vous le plus fier sur Captur ?

PS : Ce que j’apprécie particulièrement c’est le fait qu’on a un avant et un arrière qui sont vraiment réussis. Un avant qui est renforcé, on reconnait la voiture mais c’est quand même très travaillé avec les écopes qui intègrent les éléments chromés, les phares, la calandre. Et puis l’arrière où on n’est pas en reste puisqu’on a ces feux à la forme assez particulière et qui servent bien la voiture en lui donnant plus de largeur et un aspect plus techno malgré les contraintes de départ. Et puis l’ensemble, je trouve que les deux générations se suivent bien et qu’il y a un bond en qualité intéressant, on a beaucoup travaillé dans les détails, c’était vraiment un travail de fond.

LNA : Dans les évolutions ou les impositions que peuvent avoir les designers, Laurens van Den Acker parlait notamment des écopes avant qui réduisent la consommation. Dans le projet c’est un élément dont on vous parle dès le départ ?

PS : Oui c’est fortement demandé. Après tout dépend, si on est très efficace en aéro sur d’autres sujets, à ce moment-là on peut s’en passer. Mais nous on prend ça également comme une opportunité parce que c’est une pièce intéressante qui donne de la largeur au bas de bouclier et qui, traitée de cette manière-là, offre un côté plus sportif et permet aussi une éventuelle montée en gamme ou des évolutions par la suite.

LNA : Dans les autres contraintes aérodynamiques il y a la pièce de part et d’autre de la vitre du hayon qui est relativement discrète sur ce Captur, ce n’est pas spécifique à Renault d’ailleurs. En tant que designer vous n’avez pas envie de vous en passer et de proposer autre chose

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PS : C’est vrai que c’est la première pièce un peu subie, c’est vrai [rire]. Mais bon, ça se généralise sur toutes les voitures maintenant. En fait on estime que le style Renault qu’on souhaite développer, et qui a été mis en place depuis quelques années maintenant, doit prendre le pas sur des éléments qu’on arrive à cacher, plus ou moins bien, mais qu’on travaille de plus en plus maintenant. Sur cette pièce là ce qui est imposé c’est ce qu’on appelle le bord de fuite (du flux d’air) et on l’a vraiment travaillé pour l’intégrer un peu dans le design et sur sa qualité perçue, pour essayer d’aligner au maximum l’accostage avec la lunette, la finition avec le béquet et ce genre de choses. Pour finir on arrive à le rendre de plus en plus discret pour privilégier les galbes de la voiture en général. De toute façon, pour tout ce qui est aéro, on positionne des lignes mais ensuite le travail en soufflerie nous aide à ajuster le tout.

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LNA : Merci Pierre Sabas.

Propos recueillis par Guillaume Agez
Crédits photos : Renault, Guillaume Agez

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