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Toyota Century : exclusivité, luxe et intemporalité à la nippone

Présentée officiellement au salon de Tokyo 2017 puis commercialisée au milieu de l’année 2018, la dernière génération de Toyota Century poursuit la tradition d’un véhicule hors norme ne répondant qu’à fort peu de critères conventionnels du monde de l’automobile et illustrant à merveille certaines des caractéristiques surprenantes et fascinantes de la société japonaise. Retour sur les principaux volets de l’histoire d’une icône du pays du soleil levant.

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Deux générations sur 50 ans !

Non vous ne rêvez pas. La Century 2018 est bien « seulement » la troisième génération d’un modèle apparu en 1967 et qui s’est donc contenté d’un seul renouvellement sur 50 années de production. En soi déjà totalement atypique, ce fait est également une excellente illustration d’un des traits de caractère essentiels de la voiture : son intemporalité absolue.

Toyota Century G20 et ses évolutions G30 et G40

L’histoire débute donc en 1967 avec la première génération de cette Century. Dans le contexte économique particulièrement favorable du miracle économique japonais elle représente le summum du luxe de son époque, et vient accessoirement répondre à la provocation inacceptable de l’ennemi juré Nissan qui, deux ans auparavant, a osé commercialiser la Président.

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La Nissan Président dévoilée en 1965

Toyota vise néanmoins plus haut avec sa Century et va le marquer visuellement. Cela commence par un détail, mais pas des moindres, l’abandon presque complet de la mention ou du logo Toyota sur le véhicule au bénéfice d’un Century doré et surtout d’un phénix du même métal sis, entre autre, au cœur de la généreuse calandre chromée. Le design général se veut quant à lui statutaire et ultra classique. De fait, il l’est et surtout il le reste : capot interminable, lignes carrées, pilier C marqué, malle généreuse, porte-à-faux arrière immense, feux horizontaux. C’est la base. Rajoutez-y du chrome, sans excès toutefois, la discrétion étant aussi une vertu nipponne, des jantes évoquant de fins rayons et une livrée noire et vous voila en présence de ce que l’archipel fait de mieux.

Tout d’abord motorisée par un V8 de 3.0 l la Century de première génération rencontrera un succès indéniable et des évolutions très nombreuses. En même temps sur une carrière de 30 ans c’est heureux. Ces modifications concerneront en tout premier lieu la motorisation justement qui, tout en conservant son architecture à 8 cylindres en V, passera progressivement à une cylindrée plus généreuse (3,4 l en 1973 puis 4,0 l en 1982) pour une puissance toujours relativement contenue, du moins officiellement (entre 150 et 200 ch). Résolument luxueuse la voiture s’équipera aussi à l’intérieur des innovations technologiques qui faisaient leur apparition à l’époque, en particulier la climatisation dès 1971 ou un tableau de bord à affichage à cristaux liquides.

Mais au bout du compte, et même si la Century est largement remaniée techniquement en 1982, son dessin reste quasiment identique tout au long de sa carrière. Ce qui ne l’empêche pas d’étoffer sa gamme en proposant des versions aux longueurs et empattements différents. S’étirant initialement sur 5,12 m une version L-type de 5,27 m apparait en 1981 reposant sur un empattement allongé de 15 cm lui-aussi. Mais c’est surtout la version Limousine de 1989 qui marquera les esprits, le vaisseau amiral japonais atteignant dès lors 5,77 m pour un empattement de 3,51 m, largement de quoi accueillir et choyer les jambes des passagers de toute taille.

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Toyota Century génération G50 : on change tout…

La deuxième génération qui apparait enfin en 1997 transforme tout et, en même temps, conserve tout aussi. Le dessin global est certes largement modernisé mais la Century reste visuellement la Century. Elle reprend d’ailleurs les dimensions de celle qu’elle remplace, à 5,27 m, mais gagne tout de même un centimètre en empattement, quelle révolution ! Même combat à l’intérieur où le dessin de la planche de bord, reposant sur le principe d’un long bandeau horizontal, est repris. Et repris encore lors des mises à jours successives.

Toyota en profite pour faire de son nouveau porte drapeau un modèle de modernité technique et surtout de luxe en plaçant sous le capot de cette nouvelle Century une motorisation exceptionnelle puisque tout simplement unique dans la production japonaise. Le V8 disparait ainsi au profit d’un 12 cylindres en V de 5.0 l développant 276 ch et 481 Nm selon le catalogue officiel mais, plus probablement, un peu plus de 300 ch dans la réalité. La Century fait alors son entrée dans un club particulièrement select et restreint et achève ainsi d’acquérir son statut de véhicule à part.

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Seulement pour le Japon et seulement pour quelques japonais

Mais alors qui achète cet objet si atypique ? Et bien tout d’abord des japonais quasi exclusivement, le véhicule n’étant pas prévu à l’export, même s’il existe quelques (rares) exceptions. Ensuite il faut préciser que si les acheteurs sont uniquement japonais, ce qui limite d’office le potentiel commercial, il ne s’agit en aucun cas de tous les japonais. Les clients ne sont donc pas spécialement nombreux. Exceptées durant les années 1980 avec des pics aux alentours des 2000 véhicules annuel la production n’a que rarement dépassé quelques centaines d’unités, et même un peu moins ces derniers temps.

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Même si la voiture est rare, on peut la croiser en allant au Japon. Cette G50 a ainsi été prise en photo par nos soins en 2014.

Il faut dire que ce n’est évidemment pas un véhicule bon marché (100 000 € est un minimum), que ce n’est pas à proprement parler un véhicule tendance (peut-être est-il kawaï à sa façon…), qu’il est sacrément en contradiction avec la promotion des keijidosha (les kei cars) et enfin qu’il est avant tout et par excellence un véhicule vecteur d’une image sociale. Peut-être même le véhicule qui renvoie le plus de messages sur ceux qui l’occupent à ceux qui le regardent passer. Et pas n’importe lesquels.

Le premier message est un indicateur de richesse et de réussite sociale, c’est indéniable, mais sans ostentation ni bling bling prétentieux ou provocateur. La Century est la discrétion même, aussi bien dans son style que dans ses coloris. C’est un peu comme la Ford T, vous pouvez la prendre dans toutes les couleurs que vous voulez à partir du moment où c’est du noir. Même si, très officiellement, toutes les couleurs possibles et imaginables sont disponibles comme en attestent les visuels de la génération G60 à découvrir un peu plus bas. Mais quelle folie et quelle honte ce serait de vouloir se faire remarquer ainsi, de quoi directement se faire seppuku. Non, un propriétaire de Century ne fait pas dans l’exubérance, il monte à l’arrière de sa limousine conduite par un chauffeur ganté de blanc (une tradition japonaise pas uniquement réservée aux chauffeurs de luxe d’ailleurs) et traverse la mégapole tokyoïte qu’il habite sans s’exciter sur le champignon et dans le feulement extrêmement ouaté du V12.

C’est là qu’il envoie un second message, celui de son attachement viscéral à la mère patrie. Car le patriotisme nippon est fort, parfois même trop, l’Histoire l’ayant hélas démontré à plusieurs reprises. Il est ainsi presque impensable pour un chef d’entreprise, un homme ou une femme fortuné(e) et respectable, et surtout un membre de gouvernement ou de la famille impériale d’imaginer se véhiculer autrement que japonais. Rolls-Royce c’est bien, mais ce n’est pas du cru (on dit parfois ce n’est pas du sashimi… désolé). D’ailleurs, l’empereur et son entourage familial ont également fait leur (tardivement il est vrai puisque la maison impériale est longtemps restée attachée à Nissan) la Century. Adaptée à leurs majestés la grande berline Toyota s’est ainsi muée en carrosse impérial de 6,15 m pour 1,77 m de hauteur (contre 1,47 m normalement) avec portes antagonistes.

En attendant, véhicule symbolique d’un certain pouvoir au Japon ou non, la société nippone change aussi et même là-bas il n’est plus aussi tabou de sauter le pas et de troquer sa bonne vieille Century contre une Mercedes-Benz Classe S. Tout se perd ma bonne dame… Face à ce constat Toyota s’est donc décidé 6 ans avant la révélation de ses premiers éléments (tout va très lentement dès qu’on touche à cette icône) à réfléchir à une remplaçante de la Century.

Century G60 : tradition et modernité ou grandeur et décadence ?

C’est via le concept FS Hybrid (FS pour FlagShip, tout un symbole) présenté au salon de Tokyo en 2011 que la marque fondée par Kiyido Toyoda en 1937 avait donc annoncé la couleur… Noire bien entendue ? Même pas figurez-vous puisque le concept était bleu très foncé, on frôlait l’hérésie. Devenue voiture de série en 2018 et revenue à la raison, avec une livrée noire bon teint, la troisième génération de la Century, la G60, a repris en quasi intégralité les traits et les éléments techniques de la FS Hybrid.

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Le concept FS Hybrid présenté au salon de Tokyo 2011

Au chapitre tradition, la nouvelle venue est bien la digne héritière de la Century G50 (et donc en toute logique aussi de la G20). Tout y est, la forme, le style, la calandre, les jantes, les feux horizontaux, les petits rideaux dentelés aux fenêtres arrière, les sièges 100 % laine (car oui le cuir c’est vraiment pour les prolos au Japon, mais qu’on se rassure on peut se la jouer nouveau riche en optant pour des sièges en peau de vache de toutes les couleurs) et j’en passe. Le résultat donne une voiture qui en impose encore un peu plus et dont le pilier C se rolssroycise (je créé des mots si je veux) assez nettement.

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Mais néanmoins, et c’est bien connu, le diable se cache dans les détails qui, tous autant qu’ils sont, ont été retravaillés et soignés pour aboutir à une Century du XXIe siècle. Toujours aussi classique la voiture n’en fait pas moins authentiquement moderne, les phares et feux sont passés au full LED, le chrome s’est légèrement satiné, les lignes de carrosserie s’arrondissent sobrement, les poignées de portière sont désormais de type valise et à l’intérieur l’électronique et le tactile ont fait leur apparition un peu partout. Discrètement toutefois, dans une ambiance exclusive mais toujours, et fort heureusement, pas vulgaire où l’on s’installe à l’arrière avec de la place pour ses petits pieds, une fonction massage pour son petit dos, une grande télé sous ses petits yeux et 20 haut-parleurs pour ses petites oreilles délicates. L’ensemble est évidemment soigné et très haut de gamme mais, tradition japonaise oblige, on ne trouvera pas plus de sérigraphie sur les lève-vitres de cette prestigieuse Century que sur le reste de la production. Pis ! Quel choc de constater que les compteurs de la bête proviennent en grande partie d’une « vulgaire » Vitz/Yaris de 3e génération.

Mais bon, l’essentiel est ailleurs et il s’agit bien là d’une lubie d’essayeur auto que le propriétaire d’une Century ne daigne même pas prendre en considération. D’abord parce qu’il va se retrouver essentiellement à l’arrière, on vient de le dire, et ensuite parce que son truc à lui, c’est le confort. Ce dernier est le mot d’ordre absolu de cette grande berline dont la taille est désormais de 5,33 m pour un empattement de 3,09 m. Le tarage des suspensions ne vous permettra sans doute pas de faire le kéké dans les ruelles de Kabukicho (encore que, mais pour d’autres raisons) mais devrait en revanche s’avérer parfaitement adapté aux grandes artères de Ginza. D’autant que les pneumatiques Bridgestone ont été spécialement développés pour la voiture dans cet objectif de confort.

La Century reste fidèle à ses traditions quant à sa fabrication, largement à la main selon les principes du monozukiri, mais est désormais assemblée dans l’usine de Higushi-Fuji (Ouest de Tokyo). Pas de ligne de montage robotisée ayant pour objectif la production de masse ici, juste un atelier spacieux et quelques ouvriers d’exception triés sur le volet pour créer la Century. On y met du cœur, on utilise des outils particuliers, on prend son temps, on peaufine, on dorlote, on admire son œuvre et c’est bien légitime quand on revendique de construire la meilleure voiture du monde (ce que nous contestons toutefois largement puisque, comme chacun sait, la meilleure voiture du monde est la Citroën BX).

La Century G60 dans tous ses états !

Oui mais, il y a un mais. Car cette nouvelle G60, il faut le dire, cède finalement elle aussi un peu (et même beaucoup) à la modernité à tout va. Vous aurez sans doute remarqué dès le premier coup d’œil la disparition des rétroviseurs sur le capot et leur replacement à hauteur des portières, comme n’importe quelle roturière. D’entrée de jeu un coup dur porté à une telle icône automobile. Bon, soit, ça passe encore vu que la G50 y avait déjà renoncé sur ses dernières versions !

Mais le plus gros coup (de grâce ?) est, pour sa part, moins visible puisqu’il est caché sous le capot. Car c’en est fini du seul et unique moteur V12 de l’archipel, la nouvelle Century revient au V8 (5.0 l de cylindrée dérivé de celui de la Lexus LC 500 quand même) comme sa grand mère et s’intègre au passage parfaitement et sagement dans l’univers Toyota puisque la motorisation adopte l’hybridation.

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La Century G60 mise à nu…

Du coup, tant qu’on y était, on a un peu décidé de se lâcher sur la Century du côté de Toyota et les deux dernières années ont vu naitre des dérivés qu’on imaginait hautement improbables à la naissance de cette auto un demi siècle auparavant. La première fut la Royal Parade Car de 2019, une version cabriolet spécialement conçue pour célébrer l’accession au trône de l’Empereur Naruhito. Le passage de l’ère Heisei à l’ère Reiwa méritait bien cela et même les plus conservateurs des conservateurs n’y ont pas vu d’affront quelconque. Il faut dire que ça ne lui va pas mal (en tout cas c’est toujours mieux que le modèle corbillard qui existe aussi).

Que dire en revanche des désirs personnels d’Akio Toyoda, le patron de l’entreprise d’Aichi qui a révélé en 2018 lors d’une cérémonie consacrée à la branche sportive de la marque, en arrivant à son volant, qu’il possédait une Century GRMN ! Et on ne s’est même pas arrêté là puisque, après la blanche, une noire a également fait son apparition au salon de Tokyo 2019. Mais bon, après tout, il est bien possible de faire pimper sa Century par Wald International, et avouez que c’est terriblement badass !

On n’en saura pas plus quant aux « performances » de ces variantes bodybuildées et c’est tant mieux car, on vous l’a démontré avec cette Century, la discrétion est une valeur essentielle au Japon.

Via Toyota, Wikipédia, Carscoop

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