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AMC Pacer Waynes World Movie

AMC Pacer : party time, excellent !

AMC Pacer : party time, excellent !

En 1975, le groupe Queen enregistre et sort un album marquant aussi bien pour la carrière des quatre anglais que pour l’Histoire de la musique : A Night At The Opera aura coûté, à l’image des minimas sociaux du président, un pognon de dingue, mais distille de savoureux titres comme Love Of My Life, ou surtout Bohemian Rhapsody, mêlant balade, solos de guitare, opéra, montée en hard rock, le tout s’ouvrant et se terminant a capella. Du jamais vu. Tout comme le succès du single : aucun autre titre d’aucun autre artiste ne s’est classé au sommet des charts britanniques à deux reprises (1975 et 1991). Et si le single a connu un second souffle dans les années 90, ce n’est pas uniquement lié au destin de Queen : c’est aussi dû au film Wayne’s World. Ce qui nous mène tout droit à ce qui nous intéresse aujourd’hui : l’AMC Pacer. Vous m’aviez vu venir ?

On a moins de pétrole mais on a des idées…

Alors que Roger Taylor, batteur de Queen, chantait « I’m In Love With My Car », American Motors Corporation (AMC) est le quatrième constructeur américain, loin, très loin derrière les Big Three que sont Ford, GM et Chrysler. Issu de la fusion de plusieurs constructeurs (Nash et Hudson), AMC se porte acquéreur de Jeep dès le début des années 70. Les tous terrains servent de vache à lait à ce groupe presque moribond peinant à renouveler sa gamme de véhicules particuliers. Et plutôt que de se laisser aller au gaspillage et à la banalité, AMC fait de son mieux pour anticiper les tendances et fonctionner au plus juste. Lean, dirait-on de nos jours. Avant d’anticiper l’engouement pour les crossovers et les SUV avec sa gamme Eagle ainsi que le Cherokee dès le début des années 80, AMC sent le vent tourner en faveur des compactes et du renforcement de la législation quant à la sécurité passive. Bien avant que les Ford Pinto ne prennent feu et que l’on arbitre du coût de la vie des clients, le petit constructeur américain développe ainsi une « compacte » anticipant les normes à venir. Normes que les Big Three parviendront d’ailleurs à faire plier à coup de lobbying…

AMC Pacer : « the first wide small car »

Et comment produire une petite voiture lorsque l’on a essentiellement de grandes voitures dans son portfolio et pas les moyens de modifier en profondeur ses lignes de productions ? En faisant une voiture courte mais large. Courte… Il est nécessaire de relativiser : avec 4,32 mètres, elle dépasse une « grande » R16 de 10 bons centimètres ; le Nouveau Monde est un référentiel bien à part. En revanche, sa largeur portant à 1,96 mètres la rendait directement comparable à une grosse Oldsmobile Toronado.

Issue de la créativité et de la volonté d’anticipation de l’équipe de Richard Teague (à qui l’on doit aussi la Gremlin, autre compacte d’AMC), la Pacer se targue d’avoir près du tiers de sa surface composée de vitrages. A notre époque où les meurtrières surteintées sont devenues la norme, ça détonne ! Quant à la carrosserie, elle se montre asymétrique, la portière passager étant plus longue que celle du conducteur afin de permettre un meilleur accès aux places arrières depuis le côté le plus sécurisant. Une astuce qui se trouvera plus de 20 ans après lors du premier restylage du Ford Windstar, le monospace tentant alors de racheter l’absence de porte latérale coulissante côté gauche grâce à cet artifice. Mais face à ses rivaux du groupe Chrysler, dotés de deux portes coulissantes, il n’est que peu convaincant [difficile de croire que le Windstar, médiocrité roulante, était contemporain de l’Espace III, soit dit en passant]. Mais ne nous égarons pas, l’AMC Pacer est ainsi une voiture à vivre avant l’heure, en quelque sorte. A vivre et à survire d’ailleurs : les normes américaines en termes de sécurité passive devant se durcir fortement dès le début des années 80, la Pacer est prédisposée pour se doter d’un arceau central dont la présence a influencé le style des montants centraux et du pavillon. La législation ayant fini par être moins sévère que prévu, l’arceau est abandonné en cours de gestation mais le style extérieur en a gardé les stigmates.

Dépourvue de gouttière de pavillon et douée d’un Cx de 0,34, la Pacer s’avère aérodynamique, caractéristique bien vue en ces temps de choc pétrolier. Mais cela ne suffit pas, encore eût-il fallu des motorisations à la hauteur. Un moteur rotatif est initialement envisagé et développé avec GM sur un brevet Wankel. Mais plutôt que de suivre l’école Citroën (i.e. commercialiser un moteur non fiable) ou l’école Mazda (fiabiliser et vendre), les américains préfèrent stopper le développement d’un moteur coûteux en R&D et difficile à fiabiliser en plus d’être assez gourmand. C’est finalement un binôme de vieux L6 de chez AMC qui s’acquittera de déplacer la lourde carrosserie de la Pacer. Car en dépit de la suppression de l’arceau central, la voiture reste victime d’un certain embonpoint. Oubliez toute velléité dynamique. De toutes manières, l’essieu arrière rigide et les ressorts à lames vous rappelleront à l’ordre. La Pacer est une américaine d’alors et le revendique : son châssis fait fi de la modernité.

Commercialisée en 1975 et produite à Kenosha dans le Wisconsin, la Pacer étonne par son style résolument différent de ce qui se fait alors. Sa grande largueur est sensée rassurer les clients de grosses voitures susceptibles de se sentir à l’étroit dans une compacte. Une clientèle absolument pas rassurée par le design (et l’image d’AMC) à qui la marque accordera une nouvelle variante de carrosserie dès 1977 : un break d’allure plus conventionnelle habillé par d’inévitables woodies. Son arrivée limite l’inexorable chute des ventes dont 1975 restera de loin la meilleure année avec 145 000 exemplaires vendus.

Passé l’engouement des débuts et l’accueil favorable de la presse, les ventes chutent dramatiquement pour finir à moins de 1800 exemplaires 5 ans après. L’autre évolution majeure de la voiture réside en l’adoption d’un V8 en 1978. Cela s’accompagne d’une nouvelle face avant au capot moins plongeant, rendu nécessaire par l’implantation du nouveau moteur (pas si nouveau que cela, d’ailleurs). Les performances augmentent un peu, la consommation aussi, la courbe des ventes, en revanche peine à trouver un point d’inflexion.

Largeur et décadence

La Pacer s’éteint à la fin de l’année 1980 après une production de 278 344 unités à Kenosha tandis qu’elle a également connu une production mexicaine sous le nom de VAM Pacer. L’américaine ne laisse pas de remplaçante derrière elle, évoquant un souvenir de sympathie ou de haine selon le point de vue de l’esthète autoproclamé. Fort décrié, son style aura pourtant fortement influencé celui d’une voiture que tout oppose : une sportive allemande, la Porsche 928, reprend bien des gimmicks de l’AMC. Son designer l’avoue d’ailleurs bien volontiers. A ceci près que la Porsche innove avec ses boucliers intégrés à la ligne du véhicule, 20 ans avant que cela ne devienne la norme tandis que la voiture, plus basse et plus qualitative est bien plus élégante. A titre personnel, je vois encore un véhicule influencé par l’AMC Pacer : une voiture courte, large, copieusement vitrée et au physique que l’on qualifiera pudiquement de différent… Le monospace Fiat Multipla peut ainsi revendiquer quelque ascendance avec l’américaine à mes yeux. Tout comme il peut se targuer d’avoir ses admirateurs, et ses haïsseurs.

En France, la voiture est importée par Jean Charles et fait le bonheur de stars comme Brigitte Bardot ou Coluche. Le marché danois lui réserve un accueil correct du fait de la fiscalité réduite accordée aux véhicules dépourvus de banquette arrière. La Pacer 2 places est née… Quant aux cinéphiles, ils l’auront aperçue dans plusieurs films comme L’Aile ou La Cuisse ou les deux volets de Wayne’s World. Eh oui, on en revient aux fondamentaux : du bon rock et des headbangs ! La Pacer du film a d’ailleurs été restaurée et vendue aux enchères en 2016 au prix de 37 000 $.

Je vous laisse d’ailleurs devant un bon vieux tube de Queen : il est grand temps de headbanger !

Une sympathique vidéo de Top Gear en prime, et trois pubs (pas terribles), c’est la maison qui offre :



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