Le Nouvel Automobiliste
Škoda 1000 MBX

Škoda 1000 MBX : Šťastný 50 výročia !

Škoda 1000 MBX

On célèbre régulièrement les anniversaires de diverses légendes automobiles ou de voitures majeures, star des marchés ou instigatrices de tendances. Et si on se penchait sur le cas des 50 ans d’une voiture moins connue ? Avec à peine plus de 2 500 exemplaires, le coupé Škoda  MBX est loin d’avoir inondé les routes mais il n’en reste pas moins intéressant… surtout si, comme moi, vous affichez un vilain penchant pour ce qui vient d’Europe de l’Est, comme vous pouvez le voir ici ou là…

Ceux qui nous lisent depuis l’Ancien Régime se rappelleront peut-être de l’essai de la Škoda 1000 MBG, exécution huppée de la 1000 MB, essai publié de nouveau à ce lien. Pour les autres, cet anniversaire sera l’occasion de nous rafraîchir la mémoire à propos de la berline tchécoslovaque et surtout, de voir en quoi sa déclinaison coupé était remarquable. On n’a pas tous les jours 50 ans, non ? Allez, c’est parti pour un sujet sur une voiture rare, un peu méconnue mais pas insignifiante et dont la présentation remonte au salon de l’automobile de Genève, en 1966. Mais commençons par introduire la berline qui lui sert de base, la 1000 MB.

S’il est un véhicule qui incarne à mes yeux la République Socialiste Tchécoslovaque, c’est bien la Škoda 1000 MB. Cette « nouvelle » république, proclamée en 1960, est la concrétisation du Coup de Prague de 1948 grâce à la bénédiction d’une nouvelle constitution voulue par le président d’alors, Antonín Novotný, en poste depuis 1957 (et premier secrétaire depuis 1951). Pour l’anecdote, Castro n’hésita pas à le qualifier de « cas clinique de médiocrité ».

Mais revenons à la 1000 MB. Développée dès le milieu des années 50 par les ingénieurs de Škoda, la voiture devait obéir aux prérogatives gouvernementales i.e. peser 700 kg et consommer entre 6 et 7 litres aux cents. La solution retenue par le constructeur tchécoslovaque est une berline 4 portes, propulsion et moteur arrière, préférée à l’option traction/moteur avant, un temps étudiée mais écartée pour des raisons de coûts. Si l’architecture choisie paraît aujourd’hui obsolète, il faut la replacer dans le contexte des années 50 et 60 où elle était encore populaire en Europe (VW, Renault Dauphine, Simca 1000, Fiat 600, Hillman Imp, NSU Prinz…) sans même vouloir évoquer l’américaine Chevrolet Corvair, de peur de froisser la Dictature du Prolétariat nouvellement établie. De là à qualifier cette architecture mécanique de moderne, il n’y a qu’un pas qu’un citroéniste ne franchirait pas. Après tout, si les Doubles Chevrons faisaient des tractions à moteur avant depuis les années 30, ce n’est pas sans raison…

Avant toute chose, commençons par le nom : 1000 MB. S’il est facile de se douter que la première partie du patronyme fait référence à la cylindrée, la seconde moitié, elle, signifie Mladá Boleslav. C’est dans cette ville de Bohême Centrale, au Nord de Prague que se situent les usines AZNP, pour Automobilové Závody Národní Podnik, l’appellation de l’entreprise Škoda à l’époque de l’économie planifiée (que l’on pourrait poétiquement traduire par Usines Automobile S.A.). C’est d’ailleurs là-bas que sont encore produites la plupart des Škoda vendue en Europe.  Et la marque tchécoslovaque a de grandes ambitions pour sa nouvelle berline, en construisant une toute nouvelle usine, tandis que de nombreux fournisseurs étrangers sont sollicités pour ce site de production, à l’image de Renault et Chausson qui fourniront des machines de transfert et la chaîne d’emboutissage à la firme tchécoslovaque.

Škoda 1000 MBX

Comme tout véhicule du Péril Rouge qui se respecte, son temps de développement est désespérément long (près de 8 ans) et la Škoda 1000 MB n’est présentée qu’en 1964 à la foire de Brno (ville qui a vu naître Kundera puis une flopée de barres préfabriquées sous l’ère Kroutchev). Pour produire la voiture, de nombreux investissements sont faits, à commencer par cette fameuse usine flambant neuve à Mladá Boleslav (au cas où vous auriez oublié le paragraphe du dessus). Lancée il y a 52 ans, la berline 1000 MB se voit complétée en 1965 par une version MB De Luxe, forte de 48 ch contre 42 ch au modèle de base. L’année suivante 1000 MBG, plus luxueuse. Le premier avril 1968, au beau milieu du Printemps de Prague, apparaît une version 1100 cm3 coiffant la gamme et développant la bagatelle de 52 ch. Pour sa dernière année de production, le pavillon perd sa nervure centrale tandis que les oïes de refroidissement stylisées avaient cédé leur place à une banale grille 2 ans plus tôt. 440 624 exemplaires de la berline (MB et MBG) seront produits entre 1964 et 1969, avant l’avènement de la Škoda 100. Des variantes break et cabriolets de la 1000 MB sont restées à l’état de prototypes.

440 624 exemplaires, auxquels il convient d’ajouter 2 517 MBX, dérivé deux portes sans montant central : voyez en elle une sorte de Mercedes CLK du prolétariat. Reprenant le thème général de la berline dans ses parties avant et arrière, elle se singularise par une cellule centrale fort originale faite de 2 vitres descendantes et dépourvues de cadre. La custode inversée à laquelle répond la lunette arrière panoramique signe agréablement l’allure : comme quoi, il suffit de peu pour transformer une simple berline en un coupé original. Produite entre avril 1966 et septembre 1969, le coupé MBX n’a été disponible qu’avec les motorisations les plus performantes (48 ch puis 52 ch). Selon VW, près de la moitié de la production a été exportée, mais j’imagine qu’ils sont rares voire introuvables en dehors de la Slovaquie et de la République Tchèque. Depuis la MBX, Škoda n’a produit que deux coupés : les 110 R (sur base de la berline 100) et la Rapid (sur base 120). Dans tous les cas, il s’agit de dérivés techniques des Škoda 1000 MB, MBG et MBX.

Certes. Mais en quoi ce coupé MBX était-il remarquable ? La réponse tient en partie dans la question : c’est un coupé, et plus particulièrement un coupé doué d’une certaine recherche d’esthétique, d’originalité et de distinction. Et dans feu le bloc de l’Est, c’est assez exceptionnel. Non seulement ce type d’idée a été assez rare, mais ce genre de réalisation a été d’autant plus exceptionnel. En effet, à une époque où tous les animaux de la ferme étaient égaux (sauf ceux qui roulaient en Tatra), le concept même de développer un modèle moins rationnel, plus porté sur des considérations esthétiques voire, reflétant une certaine aspiration sociale relevait d’une vision plutôt positive de l’avenir. Prélude au Printemps de Prague ? Peut-être, après-tout, Škoda est aussi une des rares marques de l’Est à avoir commercialisé un cabriolet (la Felicia, entre 1959 et 1964). Comme un heureux parallèle au Socialisme à visage humain développé par Alexander Dubček, cette Škoda 1000 MBX permettait d’y croire. Pas longtemps, visiblement, sa production s’étant stoppée un an après la répression des troupes du Pacte de Varsovie, l’année où, l’étudiant Jan Palach a choisi de s’immoler par le feu en signe de protestation.

A une époque où l’on donnait rarement le choix aux gens, la MBX a été une sorte de soupape face à pression de l’uniformité et de la pensée unique imposée par le totalitarisme. A méditer de nos jours où l’on a rarement eu autant de choix… et où tout le monde opte souvent pour la même chose. Par conformisme, par habitude, par confort, par manque de curiosité, par peur du risque. Par peur de vivre ? A vous de voir. En attendant, joyeux anniversaire, coupé Škoda MBX.

Via Wikipedia, Voitures des pays de l’Est (Bernard Vermeylen), VW, Novinky.cz, Autoforum.cz, idnes.cz.

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