La pollution : vaste sujet ouvrant la voie à divers travers. Parmi ceux-ci, la stigmatisation de l’automobile. Il faut dire que la relative méconnaissance du public sur ce sujet (compréhensible, tout le monde n’est pas expert) associée à la démagogie de certaines de nos « élites » est un excellent terreau pour alimenter les fantasmes, augmenter les taxes et pointer du doigt les ennemis de tel ou tel lobby.
S’il est un fait avéré que la circulation automobile pollue, il est surprenant de voir que plus les voitures sont propres (et de manière significative), plus l’image de l’automobile auprès de l’opinion publique n’a de cesse de se dégrader. Paradoxal ? Oui et non, le battage politico-médiatique faisant son office, il n’est pas étonnant de penser ce que l’on pense quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, comme disait l’autre. Nous allons donc vous proposer de parler de manière factuelle de la dépollution dans l’industrie automobile : oui, les voitures sont de plus en plus propres, nous allons voir pourquoi et comment.
Sommaire :
[1/3] La pollution atmosphérique et la dépollution :
– Quels polluants et quelles sources ?
– Historique des normes de dépollution
[2/3] Les protocoles d’homologation :
– De NEDC à WLTP
– RDE : du cycle normalisé au test représentatif du quotidien
[3/3] Pollution automobile : mythes et réalités
– Diesel bashing : à tort ou à raison ?
– La qualité de l’air empire-t-elle ?
– Les constructeurs automobiles ont-ils fait pression pour rendre la législation plus laxiste ?
Conclusion
La pollution atmosphérique et la dépollution
Quels polluants et quelles sources ?
Commençons par établir une différence entre les gaz à effet de serre et les gaz polluants. En effet, si le débat a longtemps porté sur le CO2, il faut préciser que ce dernier n’est pas considéré comme polluant : son impact néfaste porte sur l’effet de serre qui provoque le réchauffement climatique. Parmi les comparses du CO2, on note également les gaz réfrigérants, le protoxyde d’azote (N2O), le méthane (CH4) ou les gaz fluorés.
Les gaz dits polluants sont eux aussi nombreux, je n’énumèrerai que les plus connus :
- Les oxydes d’azote : NOx
- Les particules : PM (PM10 et PM2,5 selon la taille)
- Le monoxyde de carbone : CO
- Les hydrocarbures : HC
On peut aussi citer l’Ozone (03), les Composés Organiques Volatiles (COV), le dioxyde de souffre (S02), l’ammoniac (NH3) ou les métaux lourds. La liste est donc longue. Vous pourrez les découvrir plus en détail sur ce lien.
A l’heure où l’on nous parle de la pollution comme troisième source de décès en France, il est nécessaire de rappeler que les sources de pollution sont multiples. Outre les transports (i.e. le trafic routier, mais aussi aérien, maritime, ferroviaire), la production d’énergie, l’agriculture, la sylviculture, les activités domestiques (et en particulier le chauffage) ou les activités industrielles (production de biens, d’énergie, la construction, les déchetteries…) constituent la diversité des émissions de polluants.
En plus de la pollution atmosphérique, ces activités peuvent aussi bien engendrer des gaz à effet de serre. Bien entendu, le battage médiatique actuel se focalise essentiellement sur une source de pollution bien particulière, facile à identifier, facile à taxer et ainsi particulièrement compatible avec les idéaux et lubies de certains extrémistes. Vous aurez ainsi reconnu la voiture et certains politiciens. Plutôt que de participer à la démagogie et à la manipulation ambiante, on va se proposer de parler du sujet avec des faits historiques comme scientifiques.
Ainsi, à l’échelle de la région Île de France (zone densément peuplée et parfois congestionnée), Airparif constate que si la densité des émissions de polluants par km² est plutôt élevée par rapport à ce que connaissent d’autres régions françaises, la quantité émise par habitant est en revanche plutôt plus faible. Quels sont les principaux émetteurs de polluants ? Premiers incriminés, les secteurs résidentiel et tertiaire (chauffage essentiellement). Ils constituent la première source de gaz à effet de serre (plus de 40 % des émissions) et pèsent pour plus de 20 % dans les rejets d’oxydes d’azote (NOx), plus d’un quart des émissions de particules PM10, 40 % des PM2,5 et 30 % des émissions d’hydrocarbures (COVNM).
Quant au secteur industriel, il joue un rôle important. D’une part, les industries manufacturières contribuent à 7 % des gaz à effet de serre, 4 % des rejets d’oxydes d’azote, 6 % des PM10 et 22 % des composés organiques volatils. D’autre part, le secteur de l’énergie émet 7 % des gaz à effet de serre, 6 % des oxydes d’azote et 50 % du dioxyde de soufre. Enfin, les chantiers et carrières sont principalement émetteurs de particules (20 % des PM10 et 15 % des PM2,5) et de composés organiques volatils (10 %). Et le trafic routier ? Toujours selon Airparif, il représente plus d’un quart des rejets de gaz à effet de serre, plus de la moitié des rejets d’oxydes d’azote, environ un quart des émissions de particules PM10 et PM2,5 et plus de 15 % des émissions d’hydrocarbures (COVNM). Il est à remarquer qu’une majorité des 60 capteurs utilisés par Airparif est installée au bord des routes, donc au plus proche des émissions des véhicules.
Comme on le voit, à l’échelle de l’Ile de France, c’est le secteur résidentiel et tertiaire qui est le principal contributeur à la pollution. Derrière, l’industrie et le transport ont un rôle non négligeable. A l’échelle nationale, selon la densité de population, le maillage industriel ou agricole, la contribution de chaque secteur peut différer de ce que connaissent la capitale et sa banlieue. Puisque nous sommes sur Le Nouvel Automobiliste, c’est sur la pollution liée à l’automobile particulière que nous allons nous focaliser : face à celle-ci, diverses normes ont vu le jour afin de contrer le smog dont étaient victimes les métropoles durant les Trente Glorieuses. L’industrie automobile est ainsi confrontée à deux enjeux : la réduction des gaz polluants et la réduction des gaz à effets de serre. Un petit retour en arrière s’impose…
Les normes antipollution
Première étape de la longue histoire des normes antipollution, le Clean Air Act. Une première loi de ce type a été adoptée en 1956 suite au grand smog de Londres de 1952. En 1955, aux Etats-Unis, Air Pollution Act était votée par le Congrès : il s’agissait d’une part de présenter la pollution comme un danger pour la santé et, d’autre part, de conférer à l’État le rôle de contrôler la pollution pour le bien public. Ce premier jalon américain ne donnait aucune prérogative pour réprimer les pollueurs, il permettait simplement d’ouvrir la voie à la recherche et laissait chaque État américain libre de définir ses moyens de contrôle et ses normes. On verra ainsi la Californie être à la pointe au sein des États-Unis.
Ces lois faisaient suite à des décennies de recherches du gouvernement fédéral américain concernant les émissions polluantes liées, notamment, aux moteurs thermiques. Si l’Air Pollution Act n’a eu que peu d’effet sur la pollution, il s’agissait de la première mesure publique rendant l’administration (et dans une moindre mesure, l’opinion des citoyens) consciente du problème. Cette première étape a ouvert la voie à l’Air Pollution Act (1967) et au Clean Air Act (celui des USA, en décembre 1963). Ce dernier a établi le contrôle et la mesure de la pollution de l’air par l’État, et pas uniquement de la pollution automobile faut-il le préciser, le périmètre étant vaste (industries, produits manufacturés…).
Le Clean Air Act a autorisé pour la première fois, à travers son premier grand amendement de 1970, le citizen suit ou l’action d’un individu à l’encontre d’une entreprise, d’une organisation ou d’un État qui ne respecterait pas la loi concernant la pollution. L’application de la loi est ainsi placée sous la responsabilité de l’EPA (Environmental Protection Agency). C’est ainsi que la préoccupation environnementale ainsi que la santé publique étaient désormais prises en considération : la dépollution massive des automobiles pouvait enfin commencer… à marche forcée.
Charles vous en avait déjà parlé lorsqu’il avait retracé l’histoire et le rôle de l’OBD (On Board Diagnostic), c’est en 1975 que la première norme majeure concernant les émissions de polluants des véhicules légers voit le jour en Californie, norme introduite par le CARB (California Air Ressource Board). C’est ainsi que le catalyseur devient nécessaire pour traiter les émissions et réduire les polluants suivants, jusqu’alors non traitées : hydrocarbures (HC), monoxyde de carbone (CO), oxydes d’azote (NOx) et les suies (particules). Les carburateurs cèdent la place à l’injection électronique tandis que les catalyseurs deviennent plus sophistiqués au fil des ans. Autre défi : en finir avec l’essence plombée, les catalyseurs ne la supportant pas.
Ce sont autant de mesures utiles qui attendront pourtant le début des années 90 pour arriver en France. Les États-Unis, le Japon puis les pays d’Europe mettent en place leurs différentes normes de dépollution au fur et à mesure. Je vous propose que l’on s’intéresse aux nôtres : les normes Euro. Elles visent à réglementer les émissions de divers polluants mais ne s’intéressent pas au CO2, lequel est traité par des barrières fiscales décidées individuellement par les pays (en France, le bonus/malus depuis 2008). Pour la première fois mises en application en juillet 1992, les normes ne cessent depuis d’être sévérisées, comme on le voit ci-dessous :
Pour résumer grossièrement, en l’espace de 20 ans on a vu une réduction par 6 des rejets de HC+NOx, une réduction par 30 des particules, et une réduction par 5 des rejets de CO. Autrement dit, 5 voitures respectant la norme Euro 6 polluent nettement moins qu’une seule voiture de la norme Euro 1. Moralité : le progrès a du bon. On a ainsi vu disparaître les carbus au profit de l’injection monopoint puis multipoint, les turbos ont fleuri, au point que tous les diesels du marché en sont pourvus, les filtres à particules, pièges à NOx (NOx trap) et lignes SCR (catalyse par injection d’urée) se développent. Les moteurs et leur environnement se complexifient, se renchérissent pour passer les normes en vigueur, le tout, sans que le client ne paie de réel surcoût à l’achat. Sacré défi technologique. Mais au fait, comment homologue-t-on une voiture ? Par le biais de protocoles d’essais : on va les présenter dès demain.
A demain pour la suite de ce sujet en 3 parties.
Sources : Airparif, Prevair, Science & Avenir, Wikipedia