Le Nouvel Automobiliste
Pollution automobile baisse de la pollution automobile dépollution PEMS

Pollution automobile : histoire, mythes et réalités [2/3]. Les protocoles d’homologation

Pollution automobile baisse de la pollution automobile dépollution PEMS

Suite de notre sujet sur la pollution automobile. Après avoir abordé le cas des normes antipollution, je vous propose que l’on s’attarde sur l’homologation des voitures : protocoles actuels et à venir, enjeux sur nos voitures, c’est tout le sujet de ce second volet.

Sommaire :

[1/3] La pollution atmosphérique et la dépollution :

–          Quels polluants et quelles sources ?

–          Historique des normes de dépollution

[2/3] Les protocoles d’homologation :

–          De NEDC à WLTP

–          RDE : du cycle normalisé au test représentatif du quotidien

[3/3] Pollution automobile : mythes et réalités

–          Diesel bashing : à tort ou à raison ?

–          La qualité de l’air empire-t-elle ?

–          Les constructeurs automobiles ont-ils fait pression pour rendre la législation plus laxiste ?

Conclusion

Les protocoles d’homologation :

De NEDC à WLTP

Afin d’homologuer les voitures, il a fallu créer des protocoles d’essais permettant d’évaluer les véhicules : EPA aux Etats-Unis, 10-15 Mode au Japon et NEDC en Europe sont les fruits de cette nécessité. Le protocole NEDC (ou New European Driving Cycle) a été défini par une directive de l’Union Européenne pour entrer en vigueur en juillet 1973. Autrement dit, ça date, comme on dit en Égypte. Il s’agit d’un cycle de 20 minutes constitué de différentes accélérations, paliers et décélérations. Le cycle est bâti sur un test majoritairement représentatif d’un usage urbain auquel s’ajoute une phase extra-urbaine. Les tests ont lieu sur des bancs à rouleaux freinés électriquement pour simuler la résistance au roulement. NEDC est limité par plusieurs paramètres empêchant le cycle d’être vraiment représentatif de la consommation réelle du véhicule. Notre cher Benoît l’avait expliqué dans cet article.

Parmi les limites du cycle NEDC, on peut relever un manque de réalisme : ainsi, pour passer de 0 à 50 km/h, le cycle requiert 26 secondes, soit une éternité par rapport à ce qui est effectué en usage réel (mettez 26 secondes à atteindre les 50 km/h aussitôt le feu passé au vert et vous comprendrez à coup de klaxons que vous avancez un peu trop lentement…). La vitesse moyenne du cycle ou la température à laquelle il est réalisé sont également trop peu représentatifs de la moyenne européenne. Enfin, les véhicules sont optimisés pour passer le test. Il ne s’agit pas de triche mais de présenter une voiture dans les conditions optimales permises par la réglementation, même si les conditions en question s’éloignent de la réalité. Quelques exemples ? Diverses sources de consommation sont coupées (c’est le cas de la clim ou de la ventilation par exemple…), l’alternateur est sollicité au minimum car le véhicule se présente au test avec une batterie chargée au maximum et les pneus sont gonflés au plus près de la limite pour minimiser la résistance au roulement.

Pour pallier ces défauts, un nouveau cycle, mondial cette fois, va être mis en application à partir de septembre 2017 pour les nouveaux types et septembre 2018 pour tous types de voitures. Il s’agit du WLTP ou Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures. Cette procédure a pour but d’être plus représentative d’un usage réel de la voiture tout en étant déployée sur un plus grand nombre de marchés. Test plus long, moins urbain, avec des phases d’arrêt plus courtes, des températures plus basses, des masses plus réalistes et désormais représentatives de la dotation en équipement de la voiture (un haut de gamme pèse plus lourd qu’une entrée de gamme), le WLTP promet d’être plus réaliste que les cycles qu’il va remplacer, à défaut d’être parfait. Ci-dessous, vous trouverez un comparatif entre les cycles NEDC et WLTP :

Pollution automobile baisse de la pollution automobile cycle NEDC cycle WLTP

Le passage du cycle WLTP aura plusieurs conséquences sur les voitures :

  • Modifications du groupe moto-propulseur (moteur + boîte de vitesses) : le cycle WLTP étant plus “chargé” que le NEDC (comprenez par là que le moteur fonctionne plus souvent à forte charge car plus sollicité par le nouveau cycle), on vient mesurer la pollution dans des zones où le rendement moteur est moins bon, en particulier sur les essence. C’est d’autant plus désavantageux pour les moteurs de faible cylindrée (downsizés) et pourrait rééquilibrer l’avantage au profit des blocs de cylindrée “moyenne” (on parle alors de right-sizing) sur lesquels on travaille le rendement à travers, par exemple, des cycles Miller. On est typiquement dans le cas des moteurs Mazda. En Europe, le 2.0 TFSI 190 ch de chez Audi en est aussi une illustration, tout comme le futur 1,5 l de VW…
  • Fin des boîtes de vitesses exagérément longues ? C’est fort probable : dans la mesure où les changements de rapports sont désormais plus libres lors du test, il est alors possible d’anticiper le passage au rapport supérieur (et donc plus long) par rapport à ce qui se faisait en NEDC, du moins, pour les voitures dépourvues de GSI (Gear Shift Indicator) : on va sortir du paradigme down-sizing + boîte longue, comme vu au paragraphe du dessus.
  • Des conséquences sur la physionomie du marché ? Les berlines étant avantagées sur les SUV, il n’est pas impensable que les voitures basses prennent leur revanche sur les pseudo-baroudeurs, à défaut de redevenir à la mode.
  • Des conséquences esthétiques quant aux jantes : la taille, la masse, l’aérodynamisme entrant en ligne de compte, le design des jantes pourrait fortement évoluer dans les années à venir afin d’optimiser l’homologation de la voiture. Rassurez-vous, les accessoires n’étant pas touchés par ces considérations, il vous sera possible de contourner les horribles jantes façon Prius en 15’’…
  • Des conséquences quant au choix des pneumatiques : désormais groupés par classe de résistance au roulement, il faudra qu’une enveloppe soit assez performante pour franchir un palier. Ainsi, un « bon » pneu TBRR (très basse résistance au roulement) pourrait être coté comme un « mauvais » UBRR (ultra basse résistance au roulement), même si ce dernier est un peu meilleur dans les faits.

Il reste toutefois des limites au WLTP, parmi lesquelles le fait que des équipements utilisés dans la « vraie vie » ne sont pas comptés dans le bilan, à l’image de la climatisation, du dégivrage ou des sièges chauffants, par exemple. Il faut retenir que le WLTP promet d’être bien plus réaliste que le NEDC et qu’il aura une incidence sur la cotation des rejets en CO2 d’un véhicule. Ainsi une même voiture pourrait être impactée de 10 à 30 g, par exemple, en passant de NEDC à WLTP. Inutile de dire que ça ne sera pas sans conséquence fiscale et que ça ne simplifiera sans doute pas la lecture du marché lorsque les modèles homologués NEDC vont cohabiter avec les nouveaux types en homologation WLTP.

Ces cycles étant des protocoles réalisés en laboratoire, il reste un pas à franchir : la mesure en conditions réelles : ça tombe bien, c’est l’objet du paragraphe ci-dessous.

RDE : du cycle normalisé au test représentatif du quotidien

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Comme on le voit, les cycles d’homologation se passent en laboratoire. Mais quid de la consommation en usage réel ? C’est ce qui a conduit à la création du RDE (Real Driving Emissions), en mai 2015, soit une volonté totalement indépendante du scandale VW car antérieure à celui-ci. Il s’agit d’instrumenter une voiture roulant sur route ouverte avec des parcours variés (ville, route, autoroute, relief…). Pour cela, on équipe le véhicule d’un PEMS ou Portable Emission Measurement System. Les modalités d’application sont encore à définir mais on s’orienterait vers septembre 2017 pour les nouveaux véhicules et novembre 2019 pour tous les véhicules. Et bien que l’application du protocole soit prévue pour un futur très proche à l’échelle de l’industrie automobile, des modalités sont encore à définir. De quoi donner des nuits blanches aux constructeurs et à leurs équipes…

Les roulages RDE sont effectués entre -7°C et +35°C, à des altitudes variant entre 0 et 1300 m à une vitesse maximum de 160 km/h si l’essai a lieu en Allemagne, sinon à la limite locale. Les accélérations sont bornées afin de normaliser au mieux le parcours. La masse du test est comprise entre masse à vide + 2 personnes + PEMS pour la masse minimale et 95% MTAC en masse maximale. Le parcours comprend 1/3 ville, 1/3 route et 1/3 autoroute (dans cet ordre), la durée est comprise entre 90 et 120 minutes pour 80 km. Les polluants mesurés sont les NOx, le CO2 et les PM (particules), tandis que les HC (hydrocarbures) ne sont pas évalués. Les premières générations de PEMS ne mesuraient quant à elles que les NOx. En cas de régénération du FAP (Filtre à Particules) durant le test, le constructeur a droit à une seconde chance mais pas plus.

L’avènement du RDE devrait avoir plusieurs conséquences techniques sur nos voitures. En effet, un moteur devra, en plus d’être irréprochable sur son cycle d’homologation, être aussi clean sur une plage d’utilisation plus variée, représentative de notre quotidien :

  • Il va y avoir la nécessité d’avoir un catalyseur efficace rapidement. Ainsi, la catalyse et le traitement des particules devront être immédiatement opérationnels. Inutile de préciser que moteur froid, c’est un immense challenge pour les motoristes.
  • Puisque la mesure se fait sur un champ étendu du fonctionnement du moteur (le champ correspond à la courbe de couple en fonction du régime, pour faire simple), la dépollution va devoir être probante sur l’ensemble ou presque du fonctionnement dudit moteur. Conséquence, des modes de fonctionnements devront être affinés pour améliorer la dépollution : c’est notamment le cas de la zone de balayage (lorsque les soupapes d’admission et d’échappement sont ouvertes en même temps pour augmenter le couple à bas régime) ou en zone d’enrichissement (cas des fortes charges à haut régime). Dans le premier cas, cela peut passer par une augmentation de la cylindrée du moteur, on en revient à la notion de right-sizing vue plus haut en évoquant le WLTP. Dans le second cas, il peut s’agir d’améliorer la combustion, d’augmenter les pressions cylindre admissibles ou de réduire les températures d’échappement). La réduction des températures d’échappement peut passer par un collecteur intégré à la culasse ; on retrouve ce type de solution sur le bloc 1,0 l EcoBoost de Ford, par exemple.
  • Amélioration du post-traitement des émissions : emploi massif de technologies comme les SCR ou FAP, y compris sur les moteurs essence. VW a d’ailleurs récemment annoncé que ses véhicules allaient en être dotés progressivement.

Bien entendu, certaines de ces évolutions ne seront pas anodines et impliqueront de renchérir les voitures : l’autre défi des constructeurs sera de ne pas le faire payer au client vu que personne n’accepterait un surcoût au motif que le produit doive se conformer à la réglementation. C’est le problème du fabricant et non du consommateur. Après tout, le prix des voitures s’est stabilisé depuis longtemps alors que le contenu (sécurité, dépollution…) a largement progressé. C’est ingrat pour l’industrie mais le marché est ainsi fait. Tant mieux pour les clients que nous sommes.

Autre challenge pour les constructeurs : se doter de moyens d’essais en quantité suffisante pour réaliser les tests RDE de leurs voitures : pour l’instant, les PEMS ne sont pas légion et les essais sont longs à réaliser… La tenue des plannings de validation est donc un sacré défi.

Comme on l’a vu dans les deux premières parties, il y a eu un énorme progrès accompli depuis les premières mesures visant à réduire la pollution automobile et de grands progrès sont à attendre pour les années à venir. Pour autant, on entend encore beaucoup de bêtises ou d’approximations : je vous propose d’essayer de clarifier certains points. Ce sera pour le dernier volet de la série, rendez-vous demain.

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